Le vendredi 31 mars 2017

 

À la rentrée 2016, la Ville de Paris fermait à la circulation routière les 3,5 km de la voie Georges Pompidou. Suite à de nombreuses interrogations quant aux impacts de cette piétonnisation, différents comités ont été mis en place par la Mairie de Paris, la Préfecture de Police, la Région Île-de-France et la Métropole du Grand Paris. Une étude spécifique pour suivre l’impact sur l’air leur a été proposée par Airparif. De la mi-novembre à la mi-décembre 2016, une première campagne de mesure a été mise en place.  Les résultats mettent en évidence un impact avéré de la piétonnisation des berges avec à la fois :  

  • une amélioration de la qualité de l’air le long des quais fermés à la circulation.
  • mais aussi  une dégradation autour des carrefours dans cette zone et à l’est, dès la fin de la portion piétonnisée. Cette situation est accentuée lors du pic de trafic du matin. Des impacts sont aussi perceptibles, mais moins marqués, sur les itinéraires de report. 

Pour suivre les évolutions de la qualité de l’air en lien avec cette mesure, l’étude couvre :   

  • un territoire suffisamment large pour prendre en compte à la fois les voies fermées à la circulation et celles potentiellement impactées par ces modifications de trafic, à Paris et en proche banlieue.
    Au total ce sont près de 80 points de mesures qui ont été installés, dont un point tous les 300 mètres le long des voies sur berges.
  • une période suffisamment longue pour prendre en compte les variations saisonnières et l’évolution des comportements des usagers.
    Deux campagnes d’un mois chacune ont été programmées, l’une à l’automne 2016 et la suivante à 6 mois d’intervalle, au printemps 2017.

Les éléments ci-dessous présentent les enseignements de la première campagne, qui s’est déroulée du 15 novembre au 13 décembre 2016, et les travaux menés depuis six mois par l’association pour identifier et reconstituer la part des variations liées au trafic, et plus spécifiquement celles induites par la fermeture des voies sur berge, dans les niveaux de pollution. 

Impacts de la fermeture des voies sur berge entre 2015 et 2016 

Airparif a recalculé, heure par heure, les niveaux de pollution qui auraient été observés sans la fermeture des voies sur berge en conservant les conditions de trafic de 2015 mais en appliquant les conditions météorologiques de 2016. Ces travaux de modélisation, calés et validés par les observations des stations et la campagne de mesure, permettent d’évaluer l’impact propre à  cette mesure, en s’affranchissant du rôle de la météorologie qui fait varier au jour le jour les niveaux de pollution, comme lors de l’épisode de pollution de décembre 2016. Les cartes ci-dessous mettent en évidence les zones où la qualité de l’air a évolué entre 2015 et 2016, sur la période de la mi-novembre à la mi-décembre.

Les zones en bleu montrent une amélioration globale de la qualité de l’air le long des quais (pouvant atteindre jusqu’à -25%) : la suppression totale de deux voies de circulation sur les quais bas compense les augmentations des quais hauts dont le nombre de voies est resté identique.

Les zones en rouge montrent une dégradation de la qualité de l’air plus ou moins marquée  

  • surtout en fin de zone piétonnisée, en direction de l’est parisien (de +5 à +10%), notamment à partir du quai Henri IV et sur le quai Anatole France (rive gauche).
  • dans une moindre mesure (jusqu’à +5%), sur les itinéraires de report, comme le boulevard Saint Germain, le boulevard périphérique sud et sur les quais hauts, ou au niveau des carrefours dont la congestion s’est accrue.

Variation des niveaux moyens de NO2 sur Paris entre la campagne de 2016
et la même période en 2015, et zoom sur les quais

 

Cette situation est accentuée à l’heure de pointe du matin. Une dégradation plus importante de la qualité de l’air apparaît sur le quai haut, de façon quasi-continue à partir de l’Hôtel de Ville, et sur davantage d’axes, principalement au nord de la Seine. Le boulevard Saint-Germain est également impacté sur une portion plus longue. En revanche, les impacts sont moins marqués à l’heure de pointe du soir, qui est plus étalée dans le temps, et avec en général des conditions météorologiques plus dispersives que le matin.

Variation des niveaux moyens de NO2 sur Paris entre la campagne de 2016
et la même période en 2015 à l’heure de pointe du matin, et zoom sur les quais 

 

À l’échelle du territoire métropolitain, les variations sont beaucoup moins marquées et se limitent surtout aux grands axes. De plus, elles ne sont vraisemblablement pas toutes  liées aux voies sur berge comme l’illustrent la carte et le tableau ci-après. Rappelons que les voies sur berge représentent que 0,16%* du kilométrage annuel francilien, soit 122 millions de km parcourus chaque année (contre 77,7 milliards de km à l’échelle de la région**).

 

Variation des niveaux moyens de NO2 sur Paris
entre la campagne de 2016 et la même période en 2015 

 

Probabilités de lien entre les variations de pollution observées
et la piétonnisation des voies sur berge

 

 

Observation de mi-novembre à mi-décembre 2016 

Malgré les forts épisodes de pollution de décembre 2016, les résultats de la campagne de mesure en dioxyde  d’azote ont  pu être utilisés pour interpréter les résultats de la campagne de mesure au regard de la fermeture des voies sur berge. Ce qui n’est pas le cas pour les particules dont les forts niveaux liés à la conjonction de très fortes conditions anticycloniques et de différentes sources d’émission, notamment le chauffage, perturbent l’analyse des observations.

Si l’on suit le parcours de voies sur berge d’Ouest en Est, dans le sens du trafic, on constate une variabilité importante des niveaux de dioxyde d’azote : de 57 à 88 µg/m3, comme l’illustre le graph ci-dessous. Ces niveaux sont tout à fait comparables aux stations trafic dans l’agglomération (de 60 à 93 µg/m3).

 

Les écarts d’un point de mesure à un autre s’expliquent par trois facteurs conjugués :

  • le nombre de véhicules.
  • la fluidité du trafic.
  • la topologie de l’axe.

 
Différents cas de figure le long de ce parcours sont illustrés ci-après.

a - Effet conjugué des trois paramètres forts

Les niveaux les plus élevés du parcours ont été relevés sur les Quais du Louvre et de la Mégisserie (80 à 90 µg/m3) où se cumulent à la fois :

  • un nombre de véhicules important (~2 000 veh/h**).
  • une congestion forte (taux d’occupation moyen de 20%**). 
  • et une rangée de bâtiments sur un côté de la voie.

b - Effet du bâti

Les niveaux les plus bas du parcours ont été relevés en amont de la zone fermée (50-60 µg/m3) avec deux cas de figure pour lesquels les niveaux sont similaires :

Quai de Stalingrad et du Point du jour

  • la congestion est moindre (taux d’occupation moyen** de 5%).
  • mais une rangée de bâtiments est présente sur un côté de la voie.

Quai des Tuileries

  • la congestion est forte (taux d’occupation moyen** de 29%).
  • mais l'environnement dégagé (Jardin des Tuileries).

Dans les deux cas, le nombre de véhicules est moindre que dans la zone centrale (~1 000 à 1 400 veh/h**).

c - Effet de la congestion

Quai de Gesvres

En matinée : les niveaux augmentent avec le pic de trafic du matin

Le soir : l’augmentation des niveaux plutôt due à l’augmentation de la congestion (~ 50%) lors de la pointe de trafic du soir 

Boulevard Saint Germain

La congestion est proportionnellement moins importante (20%) mais surtout plus stable au cours de la journée, les niveaux augmentent beaucoup le matin, en fonction du nombre de véhicules.

Effet du nombre de véhicule et de la distance au trafic : cas de quai bas, avec ou sans véhicules

  • quai Louis Blériot : le trafic présent sur le quai bas (voie Georges Pompidou) conduit à des concentrations 30% plus élevées que sur le quai haut.

Voie Georges Pompidou
secteur non piétonnisé (Campagne 2016)

  • quais piétonnisés :

- sur le quai haut (avec le trafic): les concentrations du côté de la Seine sont -10% plus faibles que du côté des bâtiments, du fait de la voie de bus et de meilleures conditions de dispersion.

- sur le quai bas (piétonnisé) : les concentrations sont -25% plus faibles que sur le quai haut, du fait de l'abscence de trafic. À cet endroit, les niveaux sont comparables à ceux que l'on retrouve en situation éloignée du trafic, par exemple dans les parcs.

Voie Georges Pompidou
secteur piétonnisé (Campagne 2016)

 

Perspectives et importance de la deuxième campagne estivale :

Mi-mai, Airparif lancera la deuxième campagne de mesure qui permettra de :

  • confirmer les premiers résultats issus de la campagne hivernale et de suivre l’évolution des  tendances sur la qualité de l’air.
  • identifier d’éventuelles modifications de comportements des automobilistes par comparaison entre les deux campagnes.

À noter qu’en dehors de la fermeture des voies sur berge, d’autres travaux et modifications de voiries sont à venir et impacteront vraisemblablement les résultats.

Le bilan complet des deux campagnes est prévu pour septembre 2017.

Rappel 

Cette étude  a été cofinancée par la Mairie de Paris, la Métropole du Grand Paris et la Région Île-de-France et par Airparif pour une partie du matériel. Elle s’est faite en collaboration avec le Service Parisien de Santé Environnementale (SPSE), partenaire historique d’Airparif, qui était en charge d’une quinzaine de points de mesure.
Comme pour toutes les études de l’association, tous les résultats sont rendus publics. Ils sont notamment partagés avec l'ensemble des membres de l'association (collectivités, État, acteurs économiques et associations) et présentés dans les comités de suivi mis en place par le Préfet de Police et la Ville de Paris, la Région Île-de-France et la Métropole du Grand Paris.


 


* Source Driea, exploitation Airparif
** Source Ville de Paris